Shan Shui Soup
Considérations sur la peinture de paysage
Il y a dans la peinture, dans son action, un engagement politique, une parole au monde enracinée dans la parole de la première humanité, et liée à elle par les rites, la magie, la geste et l’énergie intellectuelle.
Je me considère comme peintre de paysage.
En premier lieu il y a le regard du peintre sur le monde. L’Überschauweltlandschaftmalerei (Joachim Patinir – 1480-1524 AC – Anvers), la tentative de considérer le monde dans son entier, non pas comme un tout mais comme un ensemble composé et vivant.
Ce regard sur le monde c’est la condition de l’apparition de l’œuvre, de sa fondation, et une telle œuvre porte la dimension du récit. Le regard qui se pose et qui parcourt le monde, qui le couvre, est préalable à l’apparition de la forme. Cette forme est une parole donnée au monde. Cette parole qui dit en substance comment nous vivons dans le monde et avec le monde est une parole politique.
Je peux considérer la peinture de paysage comme une peinture politique, un acte politique.
Elle a la dimension du récit. [Le paysage n’est pas seulement l’environnement dans lequel prend place le récit. Le paysage est le récit].
Toute pensée est description du monde par un récit.
Big Words : notre action dans le monde est le verbe. Il peut être créateur et destructeur.
Cette parole, ce verbe engage la responsabilité de l’être qui la profère, qui agit. Le peintre de paysage dans le sens où je l’entends est un artiste politiquement engagé.
« Le saint porte en lui le Tao. Le sage (le peintre, selon Zong Bing) clarifie son cœur et savoure les phénomènes. Quant aux montagnes et aux eaux, tout en possédant une forme matérielle, elles tendent vers le spirituel. » Zong Bing – Hua Shanshui Xu – Introduction à la peinture de paysage – circa 440 AC
Le paysage comme récit, comme réalisation, c’est à dire comme réalité, contient la dimension du sacré. Sans cette dimension, la confiance au monde est rompue et la responsabilité est abandonnée ou, au mieux, ajournée. Sans la dimension du sacré, il n’y a plus de place dans le monde pour les êtres invisibles, pour les esprits, pour les génies. La modernité, en abandonnant l’idée de sacré, en désacralisant le monde, fait de l’humain le propriétaire de toute chose. Le matérialisme prend la figure du progrès et prend usage de vérité devant lesquels d’autres peuples (et à fortiori tout le vivant non-humain) seront considérés comme arriérés, passéistes, et par cette raison seront pillés.
Shan Shui Soup.
Il ne s’agit pas d’occuper le terrain, mais de le nourrir.
L’art n’est pas le lieu de la vérité, c’est le lieu de la liberté.
Prendre toutes les libertés en peinture.
Bordel de merde.
Paris – 2016 / 2017